Le point commun majeur entre les personnes qui maîtrisent , plusieurs langues n’est pas une mémoire exceptionnelle, des prédispositions génétiques spéciales ou un entraînement surhumain. Le point commun entre les polyglottes et les gens qui apprennent vite une langue c’est qu’ils essaient de parler tout de suite, ils n’attendent pas de se sentir prêts. Pour la langue russe, je pense que si on attend d’être sûr de ne plus faire de fautes dans les conversations courantes avant de parler, on peut attendre toute sa vie. La plus grande difficulté n’est pas de maîtriser la langue mais votre mental, adoptez le bon état d’esprit, celui de se jeter à l’eau dès que possible et de progresser comme une fusée.

Ma stratégie pour les langues est celle-ci : objectif n°1 communiquer, objectif n°2 se faire corriger. Il vaut mieux faire une phrase pleine de fautes que la personne en face comprend et peut corriger, que de ne rien dire. La parole est l’élément prioritaire dans un langage, la plupart du temps vous aller parler, pas écrire. Concentrons nous sur le fait de parler, et voici 8 bonnes raisons de le faire dès que possible :

1) Parce que c’est possible sans forcément aller en Russie. Il existe plusieurs sites, comme busuu, verbling, italki, palabea. Chatroulette … qui permettent de discuter en ligne (webcam ou non) avec des locaux, de tous les pays. Les russes sont généralement assez présents, les sites sont plus ou moins gratuits, avec des interfaces plus ou moins bien. Pour l’instant je n’en ai pas vraiment encore testés (à part chatroulette, je vous préviens c’est la jungle) Je ferais certainement un article là dessus. Le mieux reste de toujours prendre le skype de la personne avec qui on parle, afin de parler le plus souvent possible. Il est aussi possible de simplement chercher sur internet les associations ou les clubs avec des russophones de votre ville, un bon endroit pour rencontrer et échanger, aussi avec des gens qui partagent le même intérêt que vous. Personnellement je préfère être seul avec un(e) Russe qui ne parle pas parfaitement le Français. Déjà pour éviter le jugement des autres de mon niveau (et oui) et aussi pour avoir une certaine égalité dans la maîtrise de la langue de l’autre, personnellement j’étais incapable il n’y a pas si longtemps de me forcer à parler russe à un(e) russe francophone. Notre cerveau cherche à communiquer le plus facilement possible, c’est contre instinctif que d’utiliser un langage qu’on maîtrise moins, et il faut surmonter cet instinct. Une fois que vous avez une occasion de parler, essayez de ne jamais revenir au français, sauf cas de force majeur. Un gage au premier qui utilise la langue de Molière ! Je vous conseille de prendre un petit guide de conversation (je vous conseille LonelyPlanet) et quand il vous manque un mot, cherchez le de vous même si possible, pour ne pas changer de langue orale. Surtout lancez vous !

 

 

2) Parce que en Russie, quoi que vous fassiez vous allez communiquer à 90% à l’oral, et 10% à l’écrit. Imaginez, au quotidien un étranger qui a appris le français à l’écrit pendant plusieurs années mais qui n’a jamais parlé ou vraiment dû comprendre une conversation. Imaginez à quel point le fait de ne pas faire de fautes à l’écrit mais ne pas pouvoir parler est inutile par rapport à pouvoir s’exprimer à l’oral. Cette situation est pourtant classique avec l’apprentissage des langues de façon académique. Ecrire russe, c’est un gadget à côté de l’utilité de parler russe, et encore lorsque vous allez écrire, ça sera souvent du langage quotidien et parlé. Volontairement je ne dis pas « bien » parler russe. La quantité prône sur la qualité dans les langues ! Vous ne passez pas un examen, vous voulez parler.

 

 

3) Parce que ça permet de travailler la phonétique vraiment efficacement : Vous allez comprendre dans un premier temps que si vous prononcer vraiment mal on ne va pas vous comprendre, que la prononciation n’est pas un luxe, et que votre accent français sexy ne vous inquiétez pas vous n’allez pas le perdre si facilement (le russe reste plus facile à prononcer que l’anglais je trouve). Vous allez écouter, répéter, écouter, répéter sans vous en rendre compte. Dans un dialogue on utilise beaucoup les mots de la phrase d’avant. Pas besoin de transcription phonétique pour chaque mot, tendez l’oreille. Pour ceux qui sont plus auditifs que visuels, vous allez voir tout de suite que parler et écouter porte ses fruits plus rapidement que n’importe quelle autre approche. Le russe est une langue assez mélodieuse, vous verrez après une bonne conversation, quand vous êtes seul les phrases dites vont tourner dans votre tête comme une chanson entêtante. C’est très bon signe, parce que ça veut dire que la musique est en train de se graver dans votre mémoire.

 

 

4) Parce que rien ne remplace le contact humain. Nous sommes des êtres sociaux, même si vous êtes plutôt introverti, le contact avec d’autres personnes va vous apprendre plus que de rester seul. Communiquer est un besoin vital, de plus utiliser une langue étrangère est un prétexte parfait pour parler, et qui protège en même temps car faute de pouvoir tout raconter trop vite, on se dévoile assez lentement. Les discussions les plus intéressantes et sincères que j’ai sont souvent avec des non francophones, l’utilisation d’une langue qu’on ne maîtrise pas parfaitement donne de l’indulgence à votre interlocuteur : il va moins vous juger pour la manière dont vous dites les choses, mais plus pour ce que vous montrez (sincérité, curiosité, gentillesse …)
C’est aussi une meilleure façon de vraiment découvrir une culture : posez vos questions aux russes et sortez des clichés que nous donnent la télé sur la Russie et les russes, ou le folklore qu’on vend aux touristes. N’ayez pas peur les russes ont peu de tabous quand on leur pose des questions avec diplomatie.

 

 

5) Parce que vous allez tout de suite identifier le vocabulaire et les phrases utiles :
Grande nouvelle, les animaux de la ferme, les jours de la semaine et les couleurs ne sont pas vraiment indispensable et à apprendre en premier. Confidence : j’ai passé au total 2 mois et demi en Russie et Ukraine (sur 2ans) sans retenir les jours de la semaine à part samedi et dimanche, et ça ne m’a posé aucun problème pour communiquer, parce qu’on trouve souvent des stratégies pour s’exprimer sur certaines choses quand on ne connaît pas le vocabulaire. Par contre, je me suis rendu compte que certaines phrases et certains verbes étaient indispensables à maîtriser dès le début. En parlant russe dès le début vous pourrez identifier le vocabulaire récurent, et au fur et à mesure des conversations vous avancerez dans la grammaire et le vocabulaire naturellement.

6) Parce que c’est comme un cours gratuit, mais en mieux : que ce soit en vrai ou sur internet la personne en face veut juste parler ! Et avec un peu de chance elle ne parle que russe, vous ne pourrez pas changer de langue pour vous échapper. Cela va en plus vous aider à oublier la grammaire et à vous vocaliser sur le fait de juste parler, même en disant n’importe quoi. Les russes, comme les français, ont oublié les règles de grammaire qu’ils ont appris (ou apprises, j’ai oublié 😉 ) à l’école primaire. Ils ne pourront à priori pas vous dire de sûr quelle déclinaison ils utilisent ou quelle forme du verbe et pourquoi. Tant mieux, parce que ce qu’ils vont vous apprendre est le plus important : s’obliger à parler.

7) Parce qu’écrire russe avec un clavier ça prend du temps avant d’aller vite, donc parler reste plus facile. C’est plus rapide et facile que de chatter à l’écrit, que ce soit sur internet, ou par sms. Petite astuce à ce sujet, si vous avez un Iphone (je ne connais pas l’interface sur les autres téléphones) et que vous configurez le clavier russe (dans réglages > général > international > claviers > ajouter un clavier) vous aurez la correction automatique. Je préfère écrire en russe quand je le peux depuis mon téléphone car le clavier plus petit (plus visible) et l’autocorrection me permet de taper plus vite et de faire moins de fautes. A vous d’essayer.

8) Parce que c’est la façon la plus efficace de mémoriser. Je n’oublierais jamais le mot « passoire » : « дуршлаг » en russe, parce que je ne l’ai pas appris dans une liste, mais dans un contexte, quand j’étais hébergé chez un ami à Moscou. Pendant une semaine, il ne m’a parlé que français et moi uniquement russe (il apprenait le français) On cuisinait chacun notre tour et forcément il fallait deviner chaque mot pour les ingrédients et ustensiles. Il y a beaucoup de mots de vocabulaire qu’on retient dans le contexte, par exemple quand je pense à la traduction de « viens me voir » «  иди к мне » je ne visualise pas la phrase française dans une liste, mais je suis à Kiev, dans la banlieue, il fait froid et je suis au téléphone avec Николай, qui me dit de venir le voir à son travail. Un contexte ancre le vocabulaire d’une façon beaucoup plus forte dans votre cerveau. De la même façon que les émotions permettent de vraiment imprimer des souvenirs, et donc des phrases, du vocabulaire. Plus l’émotion est forte, plus les phrases sont retenues, c’est pour ça qu’on retient bien comment dire « je t’aime » ou comment dire « va te faire foutre » dans une langue étrangère plutôt que « John voit le chat dans la cuisine » Notre cerveau a besoin d’émotion pour se souvenir des choses, donnez lui-en.